Séniors et Loisirs Sportifs Marchands : un enjeu de santé publique

Au 1ᵉʳ janvier 2025, la France comptait 68,6 millions d’habitants, avec un basculement démographique largement amorcé : selon l’INSEE, 21,8 % de la population a désormais 65 ans ou plus, contre seulement 16,7 % de moins de 15 ans. D’ici 2070, près d'un tiers des Français auront dépassé les 65 ans.

Ce vieillissement s’accompagne d'un allongement inédit de la durée de vie. L'espérance de vie atteint désormais 85,6 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes, contre respectivement 75 et 69 ans en 1970. Parmi cette population âgée, les 83 ans et plus — souvent confrontés à des situations de dépendance — représentent déjà 2,9 millions de personnes.

Parallèlement, une nouvelle génération de jeunes seniors actifs émerge : les "quinquados", un terme popularisé par le sociologue Serge Guérin. Regroupant les 50-75 ans, cette tranche rassemble 21,5 millions de Français, soit près d'un tiers de la population. Plus actifs, soucieux de leur bien-être et dotés d'un pouvoir d'achat solide, ils redéfinissent les représentations traditionnelles du vieillissement.

Dans ce contexte d’apparition de nouveaux profils, de vieillissement démographique et d'allongement de la vie, favoriser le bien-être et l'autonomie des seniors devient un enjeu central, où l'activité physique joue un rôle déterminant.

À l’heure où « vivre vieux » doit rimer avec « vivre mieux », l’activité physique devient un levier essentiel pour préserver la santé et l’autonomie. Le vieillissement s’accompagne d’une forte augmentation des pathologies chroniques et des polypathologies, représentant l'un des principaux défis pour les systèmes de santé au début du XXIᵉ siècle.

Trois heures d’activité modérée par semaine suffisent à améliorer significativement la santé des seniors. Selon Santé publique France et l’OMS, 80 % des seniors ayant débuté une activité physique régulière constatent une amélioration de leur énergie et de leur bien-être.

Les bénéfices sont multiples :

• Physiques : renforcement musculaire, prévention de l’ostéoporose, amélioration de la circulation sanguine, meilleure gestion du diabète et des maladies cardiovasculaires.
• Mentaux : réduction du stress et de l’anxiété, stimulation des fonctions cognitives, ralentissement du déclin lié à l’âge et prévention des maladies neurodégénératives.
• Sociaux : création de liens, lutte contre l’isolement et renforcement de l’inclusion.

Promouvoir une pratique sportive adaptée apparaît donc comme un enjeu majeur de santé publique pour accompagner le vieillissement de la population. Pourtant, malgré les bénéfices largement reconnus de l’activité physique, les seniors restent encore sous-représentés dans les infrastructures de remise en forme, révélant un important potentiel d’évolution.

Malgré des besoins croissants, les seniors restent très minoritaires dans les établissements des Loisirs Sportifs Marchands, et notamment dans les salles de remise en forme : en 2024, seulement 6 % des usagers ont plus de 60 ans. Cette faible fréquentation s’accompagne d'une hausse de 40 % des résiliations d'abonnements seniors par rapport à 2023, signe d'un public qui peine à trouver sa place dans les infrastructures actuelles.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer cet écart. Tout d’abord, dans la majorité des cas, l’offre reste peu adaptée : les programmes sont encore majoritairement conçus pour un public jeune et en bonne condition physique, sans prendre en compte les besoins liés à l’âge, à la fragilité ou aux pathologies chroniques.

De plus, l'environnement des salles peut souvent être perçu comme peu accueillant pour les seniors. La culture de la performance, de l'esthétique corporelle et de l'intensité sportive tend à décourager ceux qui privilégient des activités accessibles, conviviales et sécurisées.

À cela s’ajoute un manque de reconnaissance institutionnelle : aujourd’hui, les établissements privés de remise en forme sont encore rarement intégrés aux parcours santé coordonnés par les Maisons Sport-Santé, les établissements de soins ou les réseaux hospitaliers. Cette faible visibilité freine leur capacité à accueillir des seniors orientés par les professionnels de santé.

Enfin, une certaine défiance persiste concernant la qualité de l’encadrement, malgré l’essor des formations spécialisées en Activité Physique Adaptée (APA). De nombreux médecins et acteurs du sport-santé demandent encore des garanties renforcées avant d’orienter leurs patients vers ces structures.

Comment y remédier ?

Pour les acteurs du sport marchand, une des pistes serait de repenser l’offre en développant des programmes dédiés aux seniors, adaptés à la diversité de leurs profils, à leurs niveaux de fragilité et à leurs attentes de lien social.

Il serait également possible de structurer une démarche collective visant à changer l’image du secteur auprès des décideurs publics et de santé. Les salles de remise en forme peuvent devenir des maillons reconnus du parcours de santé, soit comme lieu de complément en collaboration avec les réseaux Sport-Santé, soit comme lieu de relai pour prolonger l'accompagnement en sortie de parcours médicalisé.

Enfin, poursuivre l’effort de recrutement et de formation de professionnels qualifiés dans l’activité physique adaptée constitue potentiellement une solution pour bâtir une offre fiable et pleinement tournée vers les enjeux du vieillissement.

Les salles de sport disposent ainsi d'une opportunité majeure : devenir des acteurs centraux du vieillissement actif et de la prévention en santé publique.