"La TVA sur la pratique sportive est une incohérence politique"
" Parmi les dossiers brûlants et essentiels que nous défendons il y a le sujet de la TVA sur la pratique sportive. C’est une vraie incohérence politique et fiscale qui doit être traitée. Il y a plein d’activités sédentaires qui bénéficient d’un taux de TVA réduit à 10 % ou 5,5 %, dont la restauration rapide, alors que les biens et services liés à l’activité physique sont taxés à 20 % », déclare Virgile Caillet, délégué général de l’UNION Sport & Cycle.
« Nous menons ce combat d’harmonisation fiscale depuis plusieurs années et c’est très difficile. Mais nous allons le mener jusqu’au bout, même si le contexte n’est pas favorable, parce que la cause est juste. On ne peut pas dire aux gens “bougez 30 minutes par jour” et les taxer plus s’ils font une activité physique que s’ils restaient dans leur canapé à regarder des vidéos », ajoute le dirigeant de la première organisation professionnelle du secteur du sport et des loisirs.
« Les Français se préoccupent de plus en plus de leur santé, notamment à travers l’activité physique et sportive. Il y aura les Jeux d’hiver de 2030 en France, qui permettront de maintenir une dynamique après Paris 2024. Par ailleurs, les Français restent de plus en plus en France pendant leurs congés et aspirent à des vacances actives (randonnée, tourisme itinérant, etc.). Et enfin, le sport-santé et le sport en entreprise sont des thématiques porteuses »
Le développement de la pratique sportive est un enjeu crucial, peut-être encore davantage cette année où le sport est particulièrement mis en lumière avec les Jeux. Comment l’Union Sport & Cycle travaille-t-elle dans ce contexte ? Quels freins rencontrez-vous ?
Dans le sillage de la ministre des Sports et des JOP, et comme l’illustrent bien les dispositifs de la Grande Cause Nationale, notre volonté c’est d’infuser le sport au sein du gouvernement, d’en faire un vrai sujet interministériel. Compte tenu de la diversité des entreprises et des secteurs du sport que nous représentons au sein de l’USC, nous avons eu beaucoup d’échanges et de réunions de travail, notamment depuis quelques mois, avec les équipes de Bruno Le Maire (ministre de l’Economie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique), de Roland Lescure (ministre délégué chargé de l’Industrie), d’Olivia Grégoire (ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme) ou de Christophe Béchu (ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires). Idem avec les parlementaires, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat.
Il apparait effectivement que le champ socio-économique du sport devient important dans l’esprit des pouvoirs publics. Mais il reste encore des barrières à franchir. Parmi les dossiers brûlants et essentiels que nous défendons il y a le sujet de la TVA sur la pratique sportive. C’est une vraie incohérence politique et fiscale qui doit être traitée. Il y a plein d’activités sédentaires qui bénéficient d’un taux de TVA réduit à 10 % ou 5,5 %, dont la restauration rapide, alors que les biens et services liés à l’activité physique sont taxés à 20 %. Nous avons conscience qu’il y a des problématiques importantes de finances publiques mais il faut absolument qu’il y ait une harmonisation fiscale entre les loisirs et le sport.
Par exemple si vous faites un escape game ou un trampoline park, la TVA est à 10 %. Idem pour un mini-golf. Alors que si vous décidez d’aller pratiquer l’escalade ou le golf, c’est 20 %. Si vous allez taper dans un punching-ball à la fête foraine, c’est 10 %. A la salle de boxe, c’est 20 %. Cela n’a aucun sens et c’est lié à une doctrine fiscale qui détermine les taux en fonction des lieux de pratique et non en fonction de l’utilisation des usagers. Il faut absolument que cela évolue ! Notre cause est juste et nous avons bien l’intention de mener ce combat. Nous voulons marquer le coup sur ce sujet de la TVA.
Les parlementaires et le gouvernement sont-ils réceptifs à ce discours ?
Oui, pour une très grande majorité. Quand nous échangeons avec eux, tout le monde reconnaît l’aberration et l’incohérence de cette doctrine fiscale mais on nous oppose systématiquement le manque à gagner pour l’Etat. Une fois cet argument avancé, il n’y a quasiment plus de discussion. Alors que pour nous c’est un mauvais argument et il ne doit en aucun cas être un obstacle à une harmonisation fiscale.
D’autant plus que cela va coûter très cher à l’Etat de devoir financer les soins liés à la sédentarité et au manque d’activité physique des Français. Alors certes, ce sont des dépenses futures à mettre en balance avec un manque à gagner fiscal à court terme mais on ne peut pas faire ce type de calcul sur ce sujet. C’est un sujet de santé publique et l’écart entre l’économie réalisée à terme et le manque à gagner tout de suite est colossal. Le coût des maladies longue durée lié à la sédentarité est estimé à 17 milliards d’euros.
Nous menons ce combat d’harmonisation fiscale depuis plusieurs années et c’est très difficile. Mais nous allons le mener jusqu’au bout, même si le contexte n’est pas favorable, parce que la cause est juste. On ne peut pas dire aux gens « bougez 30 minutes par jour » et les taxer plus s’ils font une activité physique que s’ils restaient dans leur canapé à regarder des vidéos. Notre cause est juste et notre combat légitime. Aussi avons-nous bien l’intention d’aller au bout de la démarche.
Hormis la TVA, d’autres éléments entravent-ils le développement de l’activité physique et sportive ?
Les équipements sportifs. Nous menons également une réflexion à long terme sur ce sujet. Il y a 40 % des équipements sportifs qui ont été construits avant 1985. Et parmi ceux-ci, 50 % n’ont jamais bénéficié de rénovation ou réhabilitation importante. Le parc d’équipements structurants est donc vieillissant et les collectivités n’ont pas les moyens de les rénover et de construire des nouveaux équipements liés aux nouvelles pratiques. Auparavant, avec un gymnase, une piscine et un terrain avec une piste d’athlétisme, une ville répondait à tous les besoins. Aujourd’hui il faut des salles d’escalade, des pistes de padel, des aires de fitness, des terrains multisport… et cela nécessite des équipements supplémentaires.
Le gouvernement sous l’impulsion du président de la République et en s’appuyant sur l’ANS a déjà engagé deux campagnes de financement d’équipements sportifs de proximité. C’est une excellente chose et il convient de poursuivre l’effort pour créer cet effet de levier indispensable. Mais l’Etat ne peut pas tout financer.
Il va falloir une coordination générale et engager un effet d’entraînement. Il y a aussi en plus un sujet de fond sur la transition énergétique, notamment pour les piscines, les vieux gymnases qui sont de vraies passoires énergétiques. Cela doit concerner à la fois les pouvoirs publics et les collectivités, et il y aura des arbitrages à faire. Sur le nombre de piscines par exemple, a-t-on besoin de piscines dans toutes les villes ?
Il y a aussi une vraie réflexion à avoir sur le financement de nouveaux équipements. Le triptyque public-privé-associatif me paraît être un futur type de partenariat très intéressant à condition qu’il soit gagnant-gagnant-gagnant. Par exemple à Montreuil (Seine-Saint-Denis), la collectivité a mis à disposition d’acteurs marchands du foncier pour qu’ils rénovent et développent de nouveaux lieux de pratiques et en contrepartie d’un loyer, ces gestionnaires de salles de sport s’engagent aussi à mettre à disposition leurs espaces à des associations ou des écoles pendant des créneaux horaires de faible fréquentation. Cela évite aux collectivités de financer la création de certains équipements. C’est un exemple de bonne pratique sur lequel on peut se baser pour construire une stratégie plus large.
De notre côté, nous poussons aussi pour que les promoteurs immobiliers soient des acteurs importants du développement des équipements sportifs. Dans le secteur culturel, il y a un dispositif intitulé « un immeuble, une œuvre d’art. » On pourrait imaginer dupliquer un dispositif incitatif similaire avec les équipements sportifs.
Les Jeux et la Grande Cause Nationale sont-ils de vrais accélérateurs sur ces sujets ? Quels sont les retours de vos membres ?
En interne, tout le monde est enthousiaste et sent que cette année est vraiment exceptionnelle pour notre secteur. Mais tout le monde a aussi conscience que le réel enjeu, c’est l’après-JO : comment créer un engouement, une vague qui nous porte bien après 2024 ?
Il y a une part d’inquiétude lié au contexte général qui nous entoure : géopolitique, économique et social. On sent qu’il y a une tension dans la société sur plein de sujets et un climat morose qui ne sont pas favorables à la création d’une dynamique positive autour des Jeux. Cela se ressent sur le marché. Sur le dernier trimestre 2023, le chiffre d’affaires global des ventes d’articles de sports et loisirs est en baisse, et sur le début d’année 2024, il repart timidement à la hausse. Alors que sur les dernières années, nous étions vraiment sur une trajectoire haussière. Les ménages doivent faire des arbitrages, notamment à cause de l’inflation, et repousser certaines dépenses. Nous espérons que les choses vont évoluer positivement et que la dynamique va s’inverser à l’approche des Jeux.
Malgré ce contexte relativement morose, les perspectives à moyen-long terme restent très positives. Les Français se préoccupent de plus en plus de leur santé, notamment à travers l’activité physique et sportive. Il y aura les Jeux d’hiver de 2030 en France, qui permettront de maintenir une dynamique après Paris 2024. Par ailleurs les Français restent de plus en plus en France pendant leurs congés et aspirent à des vacances actives (randonnée, tourisme itinérant, etc.). Et enfin, le sport-santé et le sport en entreprise sont des thématiques porteuses.
Les polémiques liées à l’organisation des Jeux vous inquiètent-elles ?
Elles m’agacent un peu parce que lorsqu’on creuse, on s’aperçoit qu’il n’y a pas grand-chose, et que toutes ces polémiques ou récupérations politiques ne mènent à rien. En fait si l’on analyse factuellement les choses, tous les indicateurs sont au vert ! Le budget devrait être en augmentation de 10 à 15 % par rapport au budget initial. Et les recettes seront également en hausse, assurant avec quasi-certitude l’équilibre budgétaire de l’événement, financé à 96 % par de l’argent privé, rappelons-le ! Compte tenu de l’inflation, du contexte géopolitique, économique ou social, c’est une performance exceptionnelle par rapport aux éditions précédentes des JO. C’est même du jamais vu dans l’histoire des Jeux. Tous les ouvrages sont livrés en temps et en heure. Nous avons déjà venu près de 9 millions de billets sur les 10 millions en vente, les revenus marketing sont supérieurs aux prévisions, etc.
Bref, tous les indicateurs sont au vert, mais on préfère agiter le spectre de “la malédiction de la ville hôte” et mettre le doigt sur les quelques sujets encore en tension comme la sécurité. Pour ma part je n’ai aucun doute sur notre capacité à bien organiser les Jeux. On ferait mieux de se concentrer sur notre capacité à accueillir les visiteurs du monde entier dans les meilleures conditions possibles.